ESCAPADE EN CAMARGUE 2/2 : LE RÈGNE DU VÉGÉTAL À LA CHASSAGNETTE PAR ARMAND ARNAL

Quittons l’hôtel cossu du Cloître à Arles pour une immersion d’une journée sur une île : La Chassagnette du chef étoilé Armand Arnal. C’est armé de bottes et d’un ciré que le souriant chef nous accueille pour une matinée en sa compagnie au coeur de son potager.

Epaulé par Nicole, botaniste à la retraite, passionnée par les plantes sauvages et comestibles (blettes maritimes, poireaux sauvages…), Armand Arnal nous emmène à la découverte des 150 variétés de son potager. Le chef a rapporté de ses voyages au Japon ou au Mexique quelques plantes et le potager compte en tout une vingtaine de plantes sauvages comestibles.

Quand il ne cuisine pas, Armand Arnal aime expérimenter, chercher de nouvelles associations. Sa cuisine devient alors un véritable laboratoire d’expérimentation où rien n’est figé, comme en Camargue, en mouvement permanent.

Mais la réflexion du chef va plus loin : il veut créer des liens entre son potager, ses fournisseurs, les animaux, sa région et ses clients. Pour travailler avec lui il faut prôner une philosophie du bien manger et être convaincu des bienfaits de la saisonnalité. On retrouve beaucoup de Passard en lui, mais aussi de Ducasse défenseur de la « naturalité ».

Ce potager n’est pas qu’un prétexte, il va donner l’identité de sa cuisine, inédite et singulière.

Une cuisine qui crée des ponts entre le sauvage et le cultivé.

Nous découvrons ensuite tout ce qui fait la cuisine du chef étoilé : du végétal au coeur de l’assiette bien sûr, des produits de saison vous l’avez compris, une mise en avant des producteurs locaux (canard, poisson) qu’il connaît tous individuellement, tout comme les viticulteurs d’ailleurs. Loin de se prendre pour une star des fourneaux, Armand Arnal pense que le bien cuisiner et le bien manger est l’affaire de tous, le devoir de tous même !

Du jardin à l’assiette

chips de panisse

détonant jus végétal

Ce velouté végétal m’a complément déroutée. Cela tombe bien, c’est précisément ce que j’attends d’une expérience comme celle-ci. Première cuillère : le végétal enrobe tout mon palais, c’est trop puissant, d’une amertume folle. Mes papilles sont surexcitées et appellent au calme mais bizarrement impossible de reposer la cuillère, il faut y retourner pour comprendre. Chaque cuillère est différente, comme si des strates s’étaient formées dans ce velouté tout vert. Epinards, feuille de bourrache, roquette, mizuna verte, jus de cresson… L’amertume disparaît enfin pour laisser le plaisir de la dégustation prendre gentiment sa place.

découpe en salle par le chef himself

Fier de nous présenter son fabuleux sandre rôti à l’orange sanguine, le chef entame lui-même la découpe de la bête, une manière pour lui de rendre hommage au travail de son personnel de salle. J’ai senti beaucoup d’humanité dans cet homme et cela se retrouve évidemment dans sa cuisine.

Chou farci de brandade de morue et encre de seiche, tempura de chou fleur / moutarde, lisette emprisonnée dans une raviole de navets fraîchement cueillis une heure avant sont quelques-une des spécialités du chef. Presque tout vient de ce jardin extraordinaire (sauf les poireaux et les oranges sanguines), vous imaginez ainsi la fraîcheur et le goût intact de chaque produit.

« Traiter votre terre avec respect et elle vous le rendra » pourrait être la devise d’Armand Arnal.