On ne pouvait pas rêver mieux ! Jean-François Piège, selon moi le maître des émotions, reprend une institution mythique du ventre de Paris ! Troisième propriétaire (seulement) depuis plus de 80 ans, le chef nous raconte son enfance, ses premières émotions gustatives, son grand-père et rend un bel hommage à cette fabuleuse cuisine bourgeoise si représentative de notre gastronomie française.
A la Poule au Pot, on retrouve ses souvenirs d’antan. Le décor tout de cuivre et de bois, la tapisserie comme chez mamie ornée de grappes de raisin, le rose des nappes et du menu qui rappelle le papier entourant les steaks hachés de l’enfance à la boucherie, juste après que le « gentil boucher » nous fasse goûter de la main à la main un bout de saucisson.
Il y règne une atmosphère unique, on s’y sent incroyablement bien. La bande son bien franchouillarde oscille entre Aznavour et Michel Jonasz.
La convivialité est de mise ici. Pas de service à l’assiette mais de grands plats posés au milieu de la table (bravo à ceux qui se sont occupés d’aller chiner toute cette fabuleuse vaisselle). On se partage ainsi une excellente galantine de canard, des escargots, des cuisses de grenouille, une salade de tomates servie avec une petite assiette de mie de pain « pour saucer » (on a même le droit de le faire avec les doigts). Bien sûr on ne peut résister et on ajoute à la commande l’oeuf mayo et le céleri en rémoulade.
Une cuisine bourgeoise de haute volée, magnifiée par l’excellence des produits français. Vous vous doutez bien que Jean-François Piège accorde une attention particulière au sourçing. Le pain ? Signé Frédéric Lalos. Pour moi le meilleur boulanger de Paris. Les grenouilles ? Issues d’un petit élevage français. La crème ? Elle provient des vaches pie noir en Bretagne.
Hachis parmentier de joue de boeuf, blanquette, rognons, merlan frit, on fait ripaille ici et on sauce même les plats ! Les frites sont bonnes, je les aime un peu plus grossièrement coupées mais alors cette purée ! Flashback immédiat, j’ai 10 ans et je rajoute du beurre dans mon puits déjà trop beurré. Seul Jean-François Piège arrive à me rendre aussi heureuse à table. C’était le cas chez Thoumieux, puis chez Clover. Il me tarde d’aller au Grand Restaurant.
Avouons-le, nous n’avons plus un grand appétit (les portions sont d’une générosité !) quand sonne l’heure du dessert mais comment résister aux tartes maison ? Celle à la mirabelle était admirable. L’île flottante agréablement ferme quoiqu’un peu trop sucrée. Et quand la maison me souhaite mon anniversaire, c’est le comble du bonheur.
La Poule au Pot est assurément une adresse qui rend heureux.
*-* Un petit mot d’histoire *-*
Ouverte en 1935 dans le ventre de Paris, ce bouillonnant quartier des Halles, LA POULE AU POT fût, après avoir abrité une boucherie, le repaire des marchands venus se restaurer dès l’aube apparue. C’est là que se forge son identité culinaire, faite d’ingrédients livrés quelques minutes auparavant et de plats nourrissants. Peu à peu, les artistes qui se produisent dans les salles alentours prennent l’habitude de se rendre dans ce restaurant aux horaires décalés une fois leur spectacle achevé. À la fin des années 70, lorsque Paul Racat, passé par Prunier et la Tour d’Argent, reprend l’établissement, ce dernier devient le refuge du show business. Le nom des célébrités habituées de l’endroit inscrit sur des plaques métalliques – 363 aujourd’hui – que l’on accroche aux boiseries du restaurant ne cesse alors de grossir, comme les témoins d’un esprit convivial et d’une gastronomie chaleureuse inchangés depuis près de 80 ans. Aujourd’hui, avec Jean-François Piège et son épouse Elodie, l’histoire continue de s’écrire, mettant plus que jamais la cuisine française et ses trois temps – passé, présent, futur – à l’honneur.
La Poule au Pot
9 rue Vauvilliers, 1er
Ouvert tous les jours
01.42.36.32.96
Ticket moyen 50 €